La principale loi chinoise repose sur la protection de l’Autorité de l’Etat
Op / Ed Commentaire: Chris Devonshire-Ellis
31 mars – Pour comprendre pourquoi et comment fonctionne la domination de l’Etat chinois, il est nécessaire à l’observateur d’aller au delà de la rhétorique. Prenons l’exemple de l’activiste Zhao Lianhai, parent d’un enfant contaminé par le lait à la mélamine. Celui-ci est jugé à Pékin pour avoir « provoqué des querelles et semé le trouble ». Zhao, arrêté il y a quelques mois, faisait partie des parents dont les enfants ont été contaminés après avoir consommé du lait mélangé à de la poudre de mélamine. Ces enfants ont développé des calculs rénaux et six bébés en sont morts.
Après l’incident, Zhao s’est fait porte-parole de tout les parents concernés lorsque le scandale a éclaté en 2008. Zhao a été placé en détention le 13 Novembre 2009 et n’a pas revu sa famille depuis. En règle générale, les accusations de “provoquer des querelles et semer le trouble” conduisent à une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans. Son plaidoyer consistait à faire entendre les demandes des 300 000 familles dont l’enfant ou le bébé avait été touché (l’Etat a indemnisé de 2 000 RMB les familles de chaque enfant touché ayant survécu ) .
Zhao a comparu hier devant le tribunal, sa famille a reçu l’interdiction de le voir, même au procès où elle a été vigoureusement éconduite. Zhao semble avoir plaidé non coupable et a déclaré: «Si révéler un crime à la police devient un crime, alors nous vivons dans une société dangereuse.”
À bien des égards, les appréhensions gouvernementales vis-à-vis de Zhao semblent dépourvues de fondement, sans parler des poursuites contre lui. D’un côté, il faisait simplement son devoir de parent victime, terrifié et en colère – essayant de protéger sa famille – et faisant en sorte que tout ceux qui se trouvaient dans son cas puissent recevoir un dédommagement équitable et que les coupables soient punis. Cette dernière revendication est importante, car elle permet d’assurer la diminution de tels actes. Punir les coupables suffisamment pour faire réfléchir les mal venants à deux fois avant de commettre de telles atrocités : cette démarche paraît légitime.
Cependant, la Chine a une conception différente des choses, plus subtile et nuancée que nos habitudes occidentales. Ici, État à parti unique, le Parti communiste est très sensible à la critique sur tout ce qui est susceptible de remettre en cause son autorité car il connait très bien la puissance d’une nation rurale entière en colère. Le Parti Communiste est arrivé au pouvoir en Chine après une guerre civile et une révolution qui a tué et déplacé des millions de personnes. Ici, le concept chinois d’État de droit diffère radicalement de celui de l’Ouest. La première règle est que l’autorité du Parti communiste doit être respectée par dessus tout. Toutes les autres lois sont secondaires à cette notion. Cette règle a été adoptée après une révolution sanglante et a fait plier tout un pays. Sur cette base, cela semble assez juste. Nier le fait que la Chine ait une règle de droit est tout simplement ridicule, car elle en a bien une. Il y a des raisons historiques et politiques pour lesquelles la loi chinoise place l’autorité du Parti communiste à son sommet. La question majeure, souvent incomprise par l’Occident, est la suivante : si le Parti communiste n’était pas au pouvoir, quelle autre possibilité viable y aurait-il ? Le parti communiste pense que sans lui, le chaos s’installerait en Chine, et qu’il est la seule autorité compétente pour gouverner le pays. Au vu de la croissance qu’a connue la nation au cours des 25 dernières années, qui peut raisonnablement argumenter contre cela ?
Dans le cas de Zhao, l’avis du parti est qu’il devenait dangereux et éveillait des sentiments anti-gouvernementaux. Son «crime» n’a pas été de former un groupe de pression pour obtenir plus de réponses et d’indemnisation mais de s’être rebellé et d’avoir remis en question l’autorité du parti. Tout en essayant de maintenir la paix et la stabilité sociale, le gouvernement chinois estime que supprimer tout activisme est la meilleure des choses à faire. Si on le laisse fermenter, pourrir et se développer, la société peut devenir hors de contrôle, et créer des troubles, incendier les bâtiments, recourir à la violence collective, ou même assassiner. Ce sont des choses qui arrivent fréquemment bien qu’elles ne soient pas toutes révélées au public.
En incarcérant Zhao, le Parti a supprimé de la société un homme qui était capable d’inciter à l’agitation. Bien que ses objectifs soient admirables, il n’en demeure pas moins qu’ une ligne reste infranchissable en Chine. Quand il s’agit de comprendre la République populaire de Chine, on se doit d’observer comment la règle de droit est appliquée – et justement ou injustement – en fonction de la capacité ou de la probabilité pour un individu comme Zhao de créer des ennuis. En s’interrogeant sur l’autorité de l’Etat, Zhao transgresse la règle de droit chinoise. Le Parti considère son incarcération comme nécessaire à la défense du bien commun, indépendamment des circonstances de fond.
La question sur la position de l’état de droit chinois réside en qui possède la plus grande autorité morale: le peuple en tant qu’individus, ou le Parti en tant que gardiens du bien commun ?
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